Vous n'avez pas pu venir ? Voici un bref compte-rendu !
C'était le 1er Etabli collaboratif le lundi 14 mars dernier, à l'initiative d'Aporia Culture et de XYLM. Dans le cadre du cycle d'accompagnement "La voie est libre", nous expérimentons une nouvelle manière de travailler ensemble en coopération, en transversalité et en mutualisation entre acteurs culturels du Sud-Aveyron. Deux thématiques axent notre programme d'action : la mutualisation des compétences et l'éco-responsabilité.
Une initiative portée par des acteurs locaux
Avec le soutien de la Région Occitanie, nous avons engagé une expérimentation visant à la structuration d'un écosystème favorable à la création et la diffusion du spectacle vivant et des arts plastiques dans le Sud-Aveyron. Cette expérimentation est pilotée par Aporia Culture associée à la SCIC Pingpong, tiers lieu labélisé « Fabrique de territoire ».
A la suite d’une série de rencontres et d’entretiens avec différents acteurs culturels du territoire, Aporia Culture a constaté que le territoire du Sud-Aveyron compte de nombreuses associations culturelles et artistiques professionnelles. Cette richesse de surface dissimule néanmoins une réalité plus complexe : une multitude de très petites structures aux moyens financiers faibles avec des modèles économiques très fragiles. Cette fragilité s’explique notamment par la faiblesse des fonctions supports (administration, gestion comptabilité, communication, production, diffusion…) qui ne permet pas de rechercher les financements suffisants pour développer l’activité. Les associations ont souvent du mal à recruter et à conserver les professionnels car elles ne peuvent proposer que des contrats précaires, souvent sur des temps non complet et rémunérés au smic. Face à cette difficulté Aporia Culture a proposé de réunir les acteurs pour rechercher des solutions de mutualisation.
Pour construire de nouveaux communs, nous faisons le choix de l’intelligence collective en proposant des établis d'une journée avec le concours d’un expert, en mobilisant les participants sur un diagnostic partagé et la structuration de solutions concrètes.
Le premier établi organisé le 14 mars 2022 dans les locaux de Pingpong a pour objectif d’étudier l’opportunité et la faisabilité de la structuration d’un groupement d’employeurs culturels sous statut associatif ou coopératif. Ce premier établi animé par Romain Mericskay (Xylm) et Olivia Serres (directrice du GE OPEP) a réuni 10 participants :
Philippe Flahaut et Claire Devic (Cie Création Ephémère), Francis Farizon (Cie la Manivelle), Anaïs Meunier (Millau arts et savoirs faire), Philippe Fayret (Millau en Jazz), Corinne Blayac (Cie les mots à la bouche), Denis Cabiron (Pingpong), Céline Guelton-Thomasset (Aporia Culture/Grands Causses Cinéma) et Alex Querez (Radio Larzac) sous le regard bienveillant de Roxanne Wilhem-Jammes (PNR des Grands Causses).
Panorama des structures présentes
Cie Création éphémère : compagnie professionnelle avec une importante activité de création et de diffusion de spectacles au niveau national et développant une activité culturelle importante au niveau local à travers le projet de la Fabrick (accueil de résidences, diffusion de spectacles, ateliers de pratiques théâtrale…).
Aporia Culture : association aux multiples activités (Actions EAC dans les villages, organisations d’expositions, de rencontres artistiques, soutien projets pour d’autres associations culturelles…).
Millau en Jazz : Association organisant un festival d’envergure régionale, une saison de concerts en partenariat avec le théâtre de la Maison du Peuple et des actions EAC.
Cie les Mots à la bouche : L’association porte l’activité de diffusion de spectacles vivants de contes de l’artiste Corinne Blayac (50 dates par an).
Cie la Manivelle : Compagnie de spectacle vivant Clowns avec deux artistes intermittents. Production et diffusion de spectacles, accueil en résidence, formation clowns, metteur en scène « mercenaire », propositions artistiques dans l’espace public à l’occasion de manifestations culturelles locales.
Pingpong : Tiers lieux développant plusieurs projets et activités complémentaires : espace de coworking, mise à dispositions de locaux pour activités culturelles et associatives, restauration, cantine d’insertion, cuisine partagée, réseau de distribution de produits agricoles en filière courte (Clic à la ferme), médiation numérique, ressource et espace de coopération pour acteurs locaux…
Millau Art et savoirs faire : Association des artisans d’Art en gouvernance collégiale (20 membres) gérant une boutique partagée en centre-ville et développant des projets de valorisation de l’artisanat d’art (Journées européennes métiers d’art, animations…).
Radio Larzac : Radio associative produisant des émissions et contenus radiophoniques et proposant des ateliers et de l’éducation aux médias.
Diagnostic partagé
A/ Autoévaluation de chaque structure
Chaque structure a été invitée à compléter le questionnaire d’estimation des besoins récurrents en temps partiel fourni par le GE OPEP. A ce stade, il reste difficile pour les structures d’évaluer précisément leurs besoins. La collecte des questionnaires permet néanmoins d’identifier des besoins récurrents, sur des volumes horaires variables.
B/ Evaluation partagée de l’existant et des besoins
Travail en mode collaboratif pour établissement d’un diagnostic partagé et structuré dont voici la synthèse :
Administration :
Les dossiers de demande de subvention et les multiples appels à projets nécessitent une grande réactivité, un travail en urgence et donc une grande flexibilité souvent difficile voire impossible à organiser. Il manque également une fonction de veille qui permettrait d’identifier les ressources potentielles. Si une mutualisation est envisageable dans ce domaine, la formalisation des dossiers nécessite une expertise et une parfaite connaissance des structures et de leurs fonctionnement (plannings, budgets, organisation, projets…).
>Contrats / convention :
Besoin de relecture pour sécurisation lorsqu’ils sont établis par des tiers. Compétence présente au sein de certaines structures pourrait être mutualisée si capacité à financer du temps de travail supplémentaire.
>Comptabilité : Besoin d’établir des documents comptables conformes sans nécessité de recours à un expert-comptable. L’établissement du journal, le suivi des dépenses et recettes quotidiennes, doit néanmoins rester en gestion directe de chaque structure. Il s’agit d’une fonction de récolement et d’écriture comptable qui est souvent sous-traitée à un cabinet.
>Déclarations et Payes : sous-traitance satisfaisante actuellement mais le travail principal porte sur l’établissement du prévisionnel et le suivi (planning d’activité des intermittents) et semble difficile à déléguer. Autonomie possible mais besoin sur la régie des tournées, des expositions...
>Cadre réglementaire et législatif en évolution constante, nécessiterai un accompagnement expert. Risque identifié mais incapacité à répondre au besoin.
>Animation de la vie associative (gouvernance, reporting, projets, CA, AG…) doit rester propre à chaque structure mais un soutien administratif serait souhaitable.
Promotion, communication, diffusion :
>La recherche de diffusion pour les compagnies professionnelles est un enjeu stratégique. Cette fonction nécessite une véritable expertise, un carnet d’adresse (réseau pro), mais aussi une connaissance et une adhésion aux projets artistiques. Difficile à déléguer. Le volet relance et « phoning » apparaît comme particulièrement ingrat et les professionnels compétents sont rares. Identification d’un risque de concurrence ou de tension rendant difficile la mutualisation de cette fonction. Un regroupement par affinité esthétique, complémentarité des propositions pourrait être pertinent. Le critère local en revanche ne l’est pas.
>Supports de communication : sites internet, dossiers de présentation nécessitent des compétences éditoriales, techniques, graphiques. Souvent réalisés de manière autonome, dépend des compétences en interne. Professionnalisation souhaitable à des degrés divers selon les structures. Attachement à l’identité artistique et aux références esthétiques spécifiques. Difficulté pour mettre à jour les infos régulièrement.
>Stratégie de communication digitale : Réseaux sociaux et emailing, newsletter. Actuellement insuffisant ou mal fait. Un développement pourrait permettre d’accroître la visibilité et la notoriété des acteurs.
>Relation presse : métier très spécifique, élaboration de dossiers de presse, de communiqués de presse. Nécessite une approche stratégique ciblée. Besoin identifié et compétence insuffisante en interne
>Teasers vidéo, multimédias : supports de promotion vidéo de plus en plus indispensable mais nécessitant des compétences techniques spécifiques. Recours à la sous-traitance avec des structures locales. Nécessite des moyens financiers difficiles à trouver.
Autres :
>Coordination pédagogiques et EAC : développement possible, identification de ressources auprès des DRAC et collectivités territoriales. Capacité à élaborer des propositions et à assurer des ateliers et actions culturelles de qualité. Le volet coordination et organisation est important et nécessiterait un renfort pour la plupart des acteurs.
>Intérêt pour la mutualisation de matériel : les besoins en matériels techniques, en véhicules sont importants et pourraient être partiellement mutualisés (modèle de la CUMA). Les prêts et échanges mutuels sont pratiqués de manière informels. La structuration de ce type de mutualisation nécessite une régie technique, un suivi précis et un cadre d’assurance permettant le renouvellement en cas de panne ou d’accident.
>Gestion RH : les petites structures représentées n’ont pas la capacité de répondre aux besoins en termes de formation, de protection sociale, de consolidation des emplois. De la même manière elles ne peuvent proposer de perspectives d’évolution à leurs employés en termes de carrière ou de rémunération. Cette situation contribue à la fragilité de l’emploi et ne permet pas de « fixer » les professionnels sur le territoire, ce qui aboutit à un « turn over » important et une grande déperdition d’énergie en devant régulièrement former de nouveaux professionnels et les sensibiliser aux spécificités de chaque structure.
Capacité et moyens limités :
L’identification de ces nombreux besoins révèle aussi la capacité financière limitée des structures. Même en mutualisant il semble difficile de développer sans trouver des ressources nouvelles. Nous partageons l’intuition qu’une meilleure structuration permettrait d’accéder à plus de financements publics et privés, de développer les activités de diffusion et d’actions culturelles et donc les recettes d’activité. Toutefois, cela nécessite un investissement de départ que les structures n’ont pas la capacité de mobiliser dans le contexte économique actuel. Cette question devra être approfondie pour mesurer précisément la capacité réelle actuelle et évaluer les potentiels de ressources nouvelles qu’une organisation mutualisée serait susceptible de générer.
Le très faible volume d’heures finançables par certains acteurs pourrait aboutir à une trop grande dispersion de l’emploi : comment travailler efficacement pour 5 à 10 structures à raison de quelques heures par mois ? Il semble nécessaire de ne pas se disperser au-delà de 3 employeurs pour certaines fonctions stratégiques (ex : Tps plein sur 20h/employeur1, 10h/employeur 2 et 5h/employeur 3).
3/ Présentation du Groupement d’Employeurs OPEP
>A retrouver dans le compte-rendu pdf plus précisément, à télécharger ici :
4/ Bilan de la journée et perspectives
Ce premier établi a permis de confirmer qu’il existe des besoins importants dont certains seraient éventuellement mutualisables. Il faut maintenant préciser ces besoins en évaluant exactement les volumes horaires par fonction (administration, communication, diffusion, animation) en distinguant l’existant et les besoins potentiels. Une évaluation précise des besoins mobilisables par chaque structure est également nécessaire en distinguant les capacités financières actuelles et les ressources potentielles si la mutualisation permet un développement.
Les fonctions mutualisables et à quelles conditions :
>Administration : l’ensemble des fonctions administratives semblent mutualisables mais l’efficacité dépendra du degré d’intégration. Par exemple, il sera beaucoup plus facile pour un administrateur de compléter des dossiers de demande de subvention s’il assure déjà les missions comptables et de gestion des payes pour la structure. De la même manière, il pourra gérer les contrats, convention et régie de tournées ou expositions s’il est associé à l’élaboration des plannings des différentes structures.
>Promotion/ communication : ces fonctions semblent également mutualisables mais nécessitent d’accepter de travailler tous avec le même graphiste par exemple.
>Recherche de diffusions : cette fonction n’est mutualisable qu’entre des équipes artistiques ayant des propositions complémentaires ou relevant de sensibilités et d’esthétiques similaires (comme peut le faire une agence). Une vigilance accrue devra être portée à la transparence pour éviter les tensions susceptibles d’émerger si l’on constate que telle équipe a vendu plus de dates que telle autre…
>Coordination pédagogique et EAC : la mutualisation permettrait de faciliter les relations avec les partenaires territoriaux et scolaires en réduisant le nombre d’interlocuteur. Nécessite une forte intégration des projets. Permettrai de faire des propositions à partir des différentes ressources artistiques présentes.
Le champ des possibles :
Scénario 1 : rejoindre le GE OPEP
>Avantages : GE existant disposant d’ores et déjà d’une structure de gestion des emplois qui serait en capacité de proposer à ses salariés des compléments de temps de travail pour répondre à des besoins faibles ou ponctuels. Possibilité également pour les structures plus importantes d’intégrer le groupement pour des temps partiels plus importants. Si suffisamment d’acteurs locaux, possibilité de localiser un ou plusieurs emplois sur le territoire.
>Inconvénients : les professionnels actuellement salariés du GE ne sont pas localisés dans l’Aveyron. Le GE est une structure ressource exclusivement dédiée à l’emploi, elle ne porte pas de dimension d’accompagnement stratégique des structures culturelles. Le coût des postes est majoré de 12% pour les frais de gestion et la constitution d’un fonds dédié aux imprévus.
Scénario 2 : construire un GE culturel local
>Avantages : gouvernance locale partagée entre des acteurs pouvant facilement se rencontrer. Logique de consolidation de l’emploi existant et de création de nouveaux emplois sur le territoire
>Inconvénients : incertitude quant à la capacité des structures à dégager suffisamment de ressources pour financer les postes correspondant aux différentes fonctions. Incertitude sur le désir et la capacité d’engagement solidaire des différentes structures locales. GE n’atteignant pas le seuil critique pour disposer des ressources humaines dédiées au pilotage et au développement du projet.
Scénario 3 : imaginer une structure mixte entre bureau d’accompagnement et GE
>Avantages : intègre une dimension stratégique orientée sur l’accompagnement et l’aide au développement des structures. Possibilité d’envisager une gestion mutualisée de certaines ressources et d’assurer une veille permettant d’identifier tous les dispositifs de soutiens mobilisables pour les différentes structures. Perspective de développement des ressources et par conséquent des activités. Possibilité de gérer un GE permettant de proposer des compléments d’heure aux professionnels déjà présents sur le territoire qui pourraient travailler pour d’autres structures. Espace d’animation et d’échanges de bonnes pratiques. Renforcement de la visibilité au niveau régional et national.
Possibilité de mobiliser des aides à l’emploi (exonération charges première année d’embauche en ZRR, autres aides), d’intégrer des apprentis, stagiaires, services civiques…
>Inconvénients/ Limites : incertitude quant à la capacité des structures à dégager suffisamment de ressources pour financer les postes correspondant aux différentes fonctions. Incertitude sur le désir et la capacité d’engagement solidaire des différentes structures locales. Difficile d’atteindre le seuil critique pour disposer des ressources humaines dédiées au pilotage et au développement du projet. Nécessite un investissement de départ pour « lancer la dynamique », mais les structures locales ne
disposent pas de ces moyens actuellement.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
>Proposition 1, élargir le cercle : diffusion du présent compte rendu aux participants et aux structures ayant manifestées leur intérêt. Rencontre avec les collectivités territoriales pour rendre compte de la démarche et solliciter leur accompagnement dans la recherche de ressources.
>Proposition 2, affiner le diagnostic : diffusion d’un questionnaire (framaforms) pour préciser les besoins et moyens de chaque structure sur les différentes fonctions, évaluer la capacité financière actuelle et potentielle de chaque structure. Confirmer leur intérêt pour la démarche et le choix d’un scénario.
>Proposition 3, approfondir et construire : proposer un nouvel établi au printemps avec les structures intéressées et prêtes à s’engager pour définir une stratégie et planifier le projet sur la base du diagnostic consolidé.
>Téléchargez tout le compte-rendu en pdf ici :
Le prochain rendez-vous collectif lié à ces questions de mutualisation d'emploi est fixé le lundi 9 mai à 14h à Pingpong le Toit à Millau. Ce sera entre nous et sans expert, et donc gratuit. Inscrivez-vous tout de même auprès d' aporia.culture@gmail.com ou par téléphone 06 07 11 22 51.
Le programme d'accompagnement "La voie est libre" et le cycle des Etablis est soutenu par la Région Occitanie en 2022.
Comments