C'est l'illustratrice Anaïs Massini qui répond à la 12e chronique.
Je suis actuellement confinée avec ma famille dans mon village aveyronnais de Marcillac-Vallon, je travaille donc en permanence chez moi, en tant qu'illustratrice et tant que prof d'arts appliqués…
Je publie moins depuis que je suis devenue prof, notamment pour financer mon quotidien (depuis 20 ans que je travaille comme illustratrice, j'ai vu mon métier se précariser dramatiquement, et mes choix de vie ont accentué cette précarisation : maternités et vie rurale), donc pas de parution récente, ma dernière publication est un album cartonné pour les tous petits paru aux éditions Thierry Magnier, Chapacha, dans la collection Big tête de lard en 2018.
L'année dernière je me suis beaucoup investie sur la création d'un spectacle de la chorégraphe, Florence Bernad. L'autrice Aurélie Namur a écrit le récit et j'ai créé l'univers dessiné : des acro-danseurs "jouent" mes dessins en direct sur scène ; le spectacle s'appelle Je suis tigre, il commençait sa vie et était sélectionné par la Région Occitanie pour le festival d'Avignon…
Je planche actuellement sur les illustrations d'un album pour les éditions Didier Jeunesse, sur un texte de Karen Hottois, Magda, la petite souris minuscule ; le confinement est venu bousculer mes envies pour ce projet alors j'ai décidé de tout reprendre… la date de parution reste à définir, peut-être en cette fin d'année, peut-être en 2021 ?
Et depuis quelques semaines, je publie quotidiennement sur mon compte instagram Anaïs Massini une illustration de mes rêves de confinement, ce n'est pas spécialement axé littérature jeunesse ; cet exercice me permet d'explorer de nouvelles possibilités et de renouer avec des outils, des graphismes, des couleurs.
J'ai aussi des projets dans mes tiroirs : un album avec les éditions Grasset Jeunesse autour de mes peintures d'oiseaux, une suite pour Chapacha, une adaptation de textes philosophiques… et bien d'autres !
Je vous invite à regarder ma série de croquis faits depuis ma fenêtre sur une initiative de l'autrice Ramona Badescù, l'illustrateur Benoît Guillaume et Bibliomedia, le réseau des bibliothèques de Lausanne (Suisse).
Confinée depuis 6 semaines, comment gérez-vous cette période en tant que professionnelle ?
Les premières semaines m'ont beaucoup déstabilisée, d'autant plus que je me suis mise beaucoup de pression pour assurer la continuité pédagogique, tout mon temps y est passé alors que je me sentais abasourdie, et j'étais très contrariée de voir mon (peu de) temps habituellement consacré à ma pratique artistique s'évaporer complètement.
À présent j'ai trouvé un rythme qui me satisfait : j'ai un créneau quotidien durant lequel je m'enferme 3-4h dans mon bureau (personne ne doit me déranger sous aucun prétexte, j'ai accroché un panneau sur ma porte ! et il semble que le message soit bien passé !), ce moment me permet de rentrer dans mon travail de création à mon rythme.
Je me suis installée une table supplémentaire à côté d'une fenêtre et je m'aperçois que j'aime plus que tout pouvoir poser mon regard successivement sur mon travail, et dans la rue, puis vers le paysage : c'est ma révélation de ce confinement !
Est-ce que cela génère des soucis, des annulations, des pauses ?
Oui. Ma principale déconvenue est la suspension de la tournée du spectacle Je suis tigre. Je suis infiniment triste quand j'y pense, je regarde le calendrier de la tournée s'égrainer dans le vide, à tout ce qu'il va falloir reprendre pour le remonter, j'espère que nous en aurons tous l'énergie et que les salles de spectacle, lorsqu'elle pourront de nouveau programmer et accueillir penseront à nous.
Je devais aussi travailler jusqu'en juin avec les écoles de Villefranche-de-Rouergue sur le thème de l'animalité, ce projet initié par l'Atelier Blanc reprendra peut-être en septembre.
Avec une amie historienne de l'Art, nous avions concocté des interventions croisant une approche historique et une approche pratique, nous avons pu rencontrer des enfants une journée et c'était très fort, certaines productions des enfants étaient saisissantes.
Quelles activités continuez-vous à exercer ? Sur quoi vous concentrez-vous ?
Je dessine tous les jours, c'est la condition de mon équilibre personnel ! Je me concentre aussi sur mon travail de prof, je tiens plus que tout à maintenir un lien avec mes élèves et entretenir la qualité de la relation que nous avions créé depuis septembre, c'est ce qui m'apparaît le plus important dans ce contexte. Et, comme j'enseigne aussi à des étudiants, actuellement je participe au recrutement de nos futurs étudiants sur Parcoursup, c'est assez prenant.
Que nous conseillez-vous : comme livre à lire, comme musique à écouter, comme film à regarder ?
J'ai quelques fondamentaux, mais en ce temps particulier, je préfère partager ce qui m'a touchée ou marquée récemment, je rajoute quelques podcasts :
Livres : La panthère des neiges, Sylvain Tesson / 100 ans, Heike Faller & Valerio Vidali / Chez soi, Mona Chollet / Courir, Jean Echenoz.
Musique : Forever, par Metronomy / Le monde s'est dédoublé, par Clara Ysé / World in red, par Girl in red / et inconditionnellement toute la musique d'Electrelane ou de Michael Nyman (je peux travailler des heures en les écoutant).
Journal de confinement de Wajdi Mouawad, diffusé par le Théatre de La Colline sur Soundcloud
Films : Le voyage de la peur, par Ida Lupino / Volver, par Pedro Almodovar / Bonheur académie, par Alain Della Negra et Kaori Kinoshita / Notre dame, par Valérie Donzelli.
Anaïs Massini Thierry Magnier Éditions DIDIER JEUNESSE Florence Bernad Aurélie Namur Atelier Blanc Karen Hottois Éditions Grasset Jeunesse Bibliomedia Lausanne Benoît Guillaume sylvain tesson METRONOMY CLARA YSÉ girl in red Electrelane ~ Michael Nyman Louie Media La Colline - Théâtre National Alain Della Negra Valérie Donzelli PINGPONG Cowork Caumes Deslivres Librairie Syllabes
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